État de guerre!

- Mon pays est en guerre! Une partie seulement du pays, me direz-vous, et en plus je "semble" si belge, si chocolat (dans mes goûts alimentaires), si bruxelloise dans ma ville... Je suis bruxello-kinoise à 100% et mon coeur est en feu pour le Congo! 
- Ce feu, ce n'est pas de la haine, non, pas la haine! J'ai choisi d'aimer et chaque jour, je refais ce choix (parfois je dois le refaire après chaque parole que j'entends, chaque image que je vois et par moment quand la vie se fait plus peste: à chaque minute). Ce feu qui consume mon coeur est une lutte contre  une tristesse profonde, une souffrance sourde qui tente de me paralyser, me coursircuiter. Cette journée a été étrange: mauvaise nouvelle au téléphone de grand matin : comme un véritable coup de massue et ce n'était que le début! Peur, énervement et stress, mêlés d'une grande joie de devoir effectuer une livraison dans une boutique. Une super bonne nouvelle, même si elle transporte son lot d'angoisses. Et puis comme une brume de désespoir autour de moi, tout au long de cette journée, à peine visible mais archi-présente, enlaçante si je n'y prend garde : les nouvelles de Goma! Des bruits de guerre, rumeurs d'atrocités et la diaspora congolaise qui gronde. Le spectre de l'année dernière enserre ma poitrine. 
La page Facebook des M23, créée par eux ou par un fan, déverse sa bille et 1000 personnes supplémentaires l'ont LIKER en moins de 24h. Arriverons-nous à la faire fermer? Je me sens flottante dans un monde que je ne connait pas, impuissante et balotée, suis-je réellement d'ici, d'une terre pareille? Mon coeur, veut partir dans pas mal de directions. Mais pas celle de la haine, je le lui interdit! Si je me laisse aller à la haine, de quoi serais-je capable, je ne suis pas plus humaine que n'importe qui, mais plus vulnérable car un brin plus artiste, un brin plus sensible, tributaire de mes sentiments pour créer et ayant pris le risque de jouer sur la culture congolaise dans chaque création. C'est un risque non pour moi, mais pour la culture congolaise (cela va de soi). Mes sentiments d'aujourd'hui en boutique en 2014 avec l'appellation "congolaise" y étant associée? Non; pas la peur, pas la mort, pas la colère, pas le sang et la haine, mon pays ce n'est pas ça!
- Soudain, à la gare, entre mille pensées, je tombe en arrêt devant des sculptures en chocolat avec sceau du Guinness Book. La petite fille en moi tressaille de joie, je sors mon appareil photo puis soudain je me fige! Ai-je le droit d'éprouver de la joie devant des sculptures en chocolat alors que des femmes, mes soeurs, se font violer? Puis-je être admirative de ce travail alors que l'on meurt de faim (entre autre) et souffre chez moi? Quelle vie! Mais en même temps, mes projets me reviennent en tête, mon but, ce pour quoi j'avance et je réalise que la vie est ainsi faite, que je fais ce que je peux à mon niveau. Je ferais de mon mieux partout où je peux agir car chaque acte, aussi petit soit-il est toujours bon à prendre. Mais la vie est ainsi faite, je ne peux m'arrêter et même dans le coeur le plus triste, une étincelle de joie peut jaillir au moment, dans le lieu  et la situation où il ne s'y attend pas. Je ne peux brimer ni mon coeur, ni mes sentiments, j'ai refuser il y a bien longtemps de dénaturer mon caractère en m'obligeant à des postures. Et il n'y a rien à faire, la tristesse peut m'enserrer, je ne suis pas d'un naturel triste! Je dois donc gérer ces flots contradictoires pour des raisons aussi opposées que la mort atroce et injuste qui se déverse comme un fleuve sur mon pays et une sculpture en chocolat au détour d'une gare. Dois-je avoir honte? J'ai eu honte un instant, mais je refuse. Cette étincelle dans la noirceur m'a donné le coup de fouet nécessaire pour repartir et souhaiter plus que jamais agir. À genoux d'abord, dans la prière, puis par un acte concret pour Goma ou Bukavu, pas forcément grand chose mais un acte. Le sentiment d'impuissance tue et ressasser me rend impuissante mais une lueur, fut elle d'un projecteur sur du chocolat sculpté et la machine se remet en route. 
Puis ce sera chaque jour car les personnes que nous côtoyons; ce sont elles, l'opinion public! Les rencontres, les opportunités, c'est à chaque échelons que le changement de mentalité doit se faire. Et je croise chaque jour des personnes pour qui le Congo...et bien c'est moi! Parce qu'ils ne fréquentent le Congo que par des voyages de 5 minutes via les informations (et qu'en dit-on quand on n'en parle?) et par moi, la bruxello-kinoise (vivre loin c'est un peu porter un costume d'homme-sandwich, qu'on le veuille ou non)

- Je pense à vous; femmes de Kila Siku (ici) à votre talent, à vos espoirs, à tout ce travail qui porte au loin le nom du Congo suivi d'exclamations face à l'excellence du labeur de vos mains. Je n'ai pas de mots pour finir ce poste, alors je m'arrête là

Goma à l'est du Congo

Gare du Midi à Bruxelles

Commentaires

  1. C'est profond ... A la fois délicat comme situation. être à l'étranger nous donne de la distance et c'est à la fois bien et mal. En tout cas, prions pour le Congo

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  2. Comme toi, je me sens impuissante, révoltée et comme toi je refuse de haïr mon prochain ...et ce n'est pas facile!!!
    J'ai mal dormi hier nuit et je pense à mes frères congolais toute la journée.
    Combien de temps encore est-ce que notre Zaïre devra être plongé dans les ténèbres? Quelle tristesse...

    Sarah

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